Tableau d'Honneur

Caroline a écrit:Samstrich

L’ancienne capitale de l’Empire, pourtant bien triste ce jour, semble s’animer de mille et une magies en cette nuit étoilée. A la place du calme habituel, on trouve dans les vieux quartiers nombre de bougies, airs de musique et senteurs nouvelles. Bien qu’Ulrika ne savoure plus les mélodies au violon comme auparavant, elle ne peut s’empêcher d’apprécier les notes qui virevoltent dans la brise gelée.
Ses yeux perdus dans le vide perçoivent malgré eux d’épais et longs blocs de glace qui descendent le Reik tranquillement. C’est avec un pincement amer qu’elle se rappelle les volutes de vapeurs qui s’échappaient de sa bouche du temps où son cœur battait encore. Rester là à regarder le fleuve n’améliorerait sûrement pas ses élans nostalgiques, sans compter la curiosité qui la poussait à prendre le chemin de la ville, laissant les bords du Reik déserts.
Elle grimpa sur le premier toit, silencieuse et souple comme un chat, puis continua de maison en maison jusqu’à atteindre une place, illuminée de toute part à grand renfort de chandelles, et décorée ça et là de branches de sapin, de feuilles de houx et de cônes séchés. La neige tombait encore faiblement, ajoutant son lot de paillettes et d’éclat nacré sur lesdites décorations végétales. Tout semblait émaner de la vielle baraque principale, se tenant droit devant elle.
Ulrika n’en avait jamais vu les habitants, ni même cherché à les connaître de son vivant. Elle savait simplement qu’ils étaient étrangers, et rejetés le plus souvent en raison de leur sympathie anormale. On leur prêtait des desseins malintentionnés, louches. Il est vrai qu’à Nuln, ce n’est pas la solidarité qui lie le peuple, et déroger à la règle peut être une faute majeure.
C’est néanmoins devant la grande maison de la famille Samstrich que s’agglutinait une masse imposante de citadins. Il y avait beaucoup d’enfants, certains jouaient avec les pommes de pin. Ulrika vit un poêle vraiment imposant, dans lequel on faisait cuire des châtaignes, et ça sentait bon. Elle ne pouvait plus résister à l’envie de descendre voir de plus près, après tout, tout le monde est dehors ce soir, pourquoi pas elle ? on ne se douterait pas de sa nature vampirique. Elle prit cependant le temps d’ajuster sa capuche pour cacher ses cheveux d’argent.
Elle ressentait un puissant sentiment de satisfaction à l’idée de se réjouir d’autre chose qu’une gorge chaude et du précieux sang qu’elle contenait. On pouvait dont être morte, et savoir encore aimer autre chose que ce que la nature démoniaque aura dicté.
En s’approchant, elle comprit pourquoi il y avait autant d’enfants ; il y avait une grande pile de cadeaux, tous emballés dans des tissus colorés. Après une rapide inspection, elle réalisa que la fête continuait dans le hall de la maison Samstrich. Elle entra, et observa un phénomène si rare, à Nuln comme dans tous l’Empire, qu’elle peina pour contenir son émotion. Ses pensées partirent vers ses anciens compagnons – Gotrek, Félix et Max, eux aussi auraient sans doute adoré.
La gueuse et la dame de petite bourgeoisie partageant leur pain chaud, les enfants pauvres et plus aisés jouant ensemble, l’odeur du vin bouilli, tout ceci touchait Ulrika au plus profond de ce qu’il restait de son âme.
Elle s’assit à une table, laquelle étaient surtout assaillis par les hommes. On y trouvait du gibier cuisinés et des pommes caramélisées. Ulrika mangea de tout, mais ne sentait guère le goût. Ça aussi, la frustra un peu. Les hommes buvaient de la bière naine, et chantaient les chansons traditionnelles qu’elle aimait tant. C’était une vraie célébration, mais de quoi ?
Déjà émue aux larmes depuis quelques minutes, elle avait attiré l’attention d’une petite fille. Celle-ci vint s’asseoir à ses côté et, se faisant, coinça la cape d’Ulrika sous ses jambes. Sa capuche glissa, libérant sa coupe garçonne, et son visage pâle. La gamine fut étonnée en premier lieu, les hommes n’avaient rien remarqué, trop occupés à festoyer. Ulrika reçu une caresse à la fois timide et audacieuse dans ses cheveux couleur glace.
Le visage de la petite fille s’illumina si fort qu’elle faisait concurrence aux chandelles de la place enneigées. Elle semblait ravie, réellement aux anges. La vampire ne comprenait pas bien, car l’enfant n’était en aucun cas de son espèce. Elle commençait à paniquer, de peur d’être découverte et envoyée sur le champ rejoindre le bûcher des châtaignes.
Puis, la gamine la serra d’un coup, sans prévenir, dans ses bras, avant de la libérer de son étreinte. Elle s’approcha du visage d’Ulrika et lui glissa à l’oreille quelques mots. Ulrika se mit à pleurer de plus belle, la remercia et s’éloigna, une poignée de châtaignes chaudes à la main.
Depuis sa transformation, elle en avait entendu des noms pour la qualifier, à tort et à travers, mais jamais, jamais encore on ne l’avait remercié d’avoir amené la neige sur la fête des Samstrich. Ses cheveux d’argent avaient conduit la jeune fille à la prendre pour une fée des glaces. Elle se retourna une dernière fois, la petite était là. Elle l’embrassa sur le front, et disparu dans la nuit, et les flocons qui caressaient son visage pendant sa course avaient désormais une signification neuve, pleine d’amour et d’un espoir magnifique, si flamboyant qu’un instant, elle jura sentir son cœur battre.